Sur les routes de la Province de Cordoba


(Du 18/05 au 30/05)

Depuis le début du voyage se pose la question d’aller ou non à Cordoba. J’ai envie d’y aller mais cela fait faire un détour conséquent que nous décidons de faire.

 

Pour rejoindre cette région et sa capitale, nous descendons par la route de la sierra de Cordoba et nous ferons une première halte au Musée des tracteurs. La collection est impressionnante. En voici quelques spécimens.

 

Alta Gracia


Puis nous rejoignons Alta Gracia, la ville où le « Che » a passé son enfance. Nous visitons le Musée consacré à sa gloire.

 

Puis nous visitons le Musée dédié à Manuel de Falla. C’est un des compositeurs espagnols les plus importants du XXème siècle. Nous découvrirons et apprécierons sa musique.

Mais ce pourquoi nous avons fait le détour par Cordoba, ce sont les estancias jésuites et l’université de Cordoba, sœur jumelle de Cordoue.

 

Cordoba


En effet, lors de la visite des Missions Jésuites argentines, l’un de nos guides nous avait expliqué l’importance de la ville.

 

Les Jésuites choisirent de s’implanter à Cordoba et d’en faire leur capitale car elle est placée au cœur de la Province du Paraguay qui s’étendaient de Lima à la côte Atlantique et englobait la Bolivie, le Paraguay, le Nord du Chili et de l’Argentine, le Pérou et le Sud du Brésil. En 1613, Fray Fernando de Trejo y Sanabria fonde le Colegio Maximo de Cordoba. En 1621 le pape lui accorde le statut d’Université. C’est la première d’Argentine et la quatrième du Nouveau Monde. De ce fait, le surnom donné à Cordoba est La Docta.

 

Les Jésuites qui veulent partir dans les Missions du Paraguay doivent avoir étudié à l’Université. Les candidats viennent de tout le territoire mais aussi d’Europe. L’Ordre crée un noviciat pour les accueillir et les séparer des autres étudiants, les Hidalgos, « hijos de algo », ceux qui n’étaient ni juifs, ni Maures, ni Indiens, ni Noirs, et qui étaient les seuls à pouvoir s’inscrire.

 

Les estancias jésuites ont été créées comme suite à la fondation de l’Université : en effet, les jésuites doivent trouver des fonds pour financer l’université. Six estancias furent donc construites à cet effet. Ce sont des fermes qui se trouvent à quelques dizaines de kilomètres de la ville. On y cultive des fruits, des légumes, des céréales, du vin ; on y élève des troupeaux pour nourrir les pères et les novices. Chaque estancia à sa spécificité propre et est dirigée par un jésuite administrateur. Ces fermes sont immenses et comptent de nombreux esclaves noirs et des indiens rémunérés. Les missionnaires veillent également à sauver les âmes de leur main d’œuvre.

 

En 1616, construction de Caroya à 40 km au Nord de Cordoba. Cette estancia a eu un destin assez particulier. En effet, ce fut la première ferme construite par les jésuites, puis elle fut consacrée à l’usage exclusif du Collège afin d’assurer la subsistance des « profs et des élèves » ainsi que lieu de villégiature pour les internes.

 

Entre 1814 et 1816, elle fut le siège d’une usine d’armes blanches pendant les guerres d’Indépendance.

 

Enfin, en 1878, elle devint le lieu d’accueil du premier contingent d’immigrants italiens qui fondèrent la ville de Colonia Caroya. On trouve dans cette ville d’excellentes charcuteries italiennes qui feront notre régal, ainsi qu’une bodega (une cave vinicole) construite par les immigrants, d’où sa façade en forme d’église.

 

En 1618, construction de Jesus Maria ; la majeure partie de sa production était vitivinicole. La visite de cette estancia sera l’occasion d’assister à la commémoration de la Révolution de Mayo (25 mai 1810). Nous assistons aux défilés…

 

…et nous découvrons celui-ci alors que nous ne nous y attendions pas.

 

En 1643, construction d’Alta Gracia à 40 km au Sud de Cordoba que nous avons visitée lors de notre passage dans la ville.

 

En 1687, construction de la Candelaria, spécialisée dans l’élevage des mules chargées d’assurer le transport des biens dans l’ensemble du territoire.

 

En 1622, construction de Santa Catalina. C’est la seule qui appartient à une famille en indivision et que chaque propriétaire (160 !) utilise comme lieu de villégiature. C’est celle que nous visiterons en premier après avoir quitté Cordoba. Elle était spécialisée dans l’élevage du bétail.

 

A Cordoba, nous avons visité le musée d’art religieux Juan de Tejeda. La visite guidée était passionnante et fort instructive. Le musée est situé dans un couvent de carmélites.

 

Nous y avons appris et découvert beaucoup :

 

Un premier objet étrange pour nous : un tenebrario. C’est un immense candélabre qui correspond à la liturgie des ténèbres, abolie par le Concile Vatican II.

 

Ce candélabre a 15 bougies : 1 pour Marie, 3 pour les autres Marie, 11 pour les Apôtres, excepté Judas. La liturgie commençait 15 jours avant le Vendredi Saint. Il fallait réciter 150 psaumes par jour soit 10 par bougies !

 

Un deuxième élément nous a interpellé : le vêtement sacerdotal porté par l’évêque lors de l’inauguration de la cathédrale. Il a nécessité 20 jours de travail non-stop à 4 expertes et n’a été porté qu’une seule fois pour cet évènement.

 

Et il y a bien d’autres choses que vous découvrirez en allant le visiter. Il fait partie des visites incontournables pour nous.

 

De même que la visite guidée de la Manzana Jesuitica ( université, église et bibliothèque) qui possède, entre autre chose un specimen rare : une Bible française en 7 langues, complètes et en parfait état.

 

Le point de départ de notre visite de la région était donc historique mais nous y trouverons bien plus que cela. En effet, comme souvent quand nous arrivons dans une grande ville où nous pensons séjourner quelques jours nous nous mettons à la recherche d’une lavanderia (laverie) et d’un supermarché. Nous trouvons rapidement ce que nous cherchons le long du périphérique de Cordoba. Mais nous n’avons pas de bivouacs proches de ce lieu et décidons de faire le tour du quartier en attendant le linge qui sera prêt en fin de journée. Le quartier est peu engageant pour ne pas dire glauque. Nous sommes inquiets car le bivouac que j’ai se trouve à l’autre bout de la ville.

 

C’est à ce moment-là qu’un homme et son fils s’approche de Philippe et ils commencent à discuter camping-car. Au bout d’un moment Hector nous demande s’il peut nous aider et en règle générale nous remercions les gens mais là je lui demande s’il connaît un endroit plus sécurisé que celui-ci. Il nous dit de l’attendre et qu’il revient pour nous indiquer un lieu.

 

Lorsqu’il revient il nous dit connaître un lieu tranquille et qu’il nous y accompagne. C’est ainsi que nous allons passer 4 jours dans le jardin d’Hector et Valeria qui ont vécu 20 ans en Italie et ont sillonné l’Europe en camping-car avec leurs enfants. Philippe fera l’apprentissage de la pizza à l’asado (barbecue). Les enfants ont été ravis de pouvoir jouer avec Raquel, leur fille aînée qui parle français. Une belle rencontre et c’est la gorge nouée que nous nous sommes quittés.

 

Merci à Hector et sa famille pour leur accueil et pour leur aide. Suerte y hasta pronto en Francia.

 

Après ces excellents moments passés à Cordoba nous poursuivons notre route vers le Nord de l’Argentine.

 

Le 28 mai, nous nous arrêtons à Santiago del Estero pour faire remplir notre bouteille de gaz française et nous voilà partis pour une nouvelle aventure. En entrant dans la ville nous sentons que la crise économique est présente.

 

Mais je vais donc commencer par le commencement.

 

La veille, lors d’un arrêt dans une station-service, je vois un camion Total sur lequel il est écrit GPL. Je vais voir le chauffeur pour lui demander où on peut en trouver. Il me répond que c’est avec cela que sont remplies les bouteilles de gaz pour la cuisine. Comme quoi, ce n’est pas la peine de se prendre la tête à leur demander du butane ou du propane car en vérité, en fonction de la région, ils ont un gaz plus ou moins dosé. Je le remercie et nous poursuivons notre route.

 

Nous arrivons donc au point GPS donné par d’autres voyageurs sur l’application Ioverlander. Le quartier est un peu bof.

 

Je demande au gars s’il peut remplir notre bouteille. Il ne sait pas, il faut voir. Et là nous faisons une chose que nous ne faisons jamais d’habitude : nous sortons les deux bouteilles. Philippe pose l’Argentine sous le camping-car. Le gars regarde nos raccords et finalement nous dit qu’il ne peut pas remplir la bouteille de gaz, qu’il faut un autre raccord, blablabla.

 

Nous repartons et découvrons avec stupéfaction et consternation que notre bouteille Argentine a disparu sous le nez des 10 gars des boutiques alentour qui n’ont bien évidemment rien vu. Il fait froid, il bruine et nous n’avons plus de gaz. Tout va bien. Nous retournons voir le gars : il ne peut pas nous vendre de bouteilles vides et ne sait pas où l’on peut en trouver une.

 

Il est 13h. On se dirige vers une station-service. Le gars m’explique où se trouve la planta de gaz. On y va. Le quartier n’est pas mieux que le premier mais, OH SURPRISE ! En arrivant devant l’usine de gaz je reconnais le chauffeur de la veille qui me reconnaît également et me salue. Je lui raconte notre mésaventure. Nous sommes samedi mais il me dit que l’usine ouvre à 15h.

 

Nous allons donc manger en attendant.

 

A l’ouverture, le gazier ne peut me vendre une bouteille. Le chauffeur prend la situation en main et me dit d’attendre. Il prend notre bouteille française pour la remplir. Il a un peu galéré car il n’avait pas le bon raccord. La bouteille est remplie à bloc mais ce n’est pas grave car il fait froid. De plus il nous a donné l’adresse d’un revendeur qui vend la consigne plus le gaz. Nous y allons et achetons une nouvelle bouteille de gaz.

 

Même s’il ne lira jamais ces lignes, nous le remercions encore.

 

Echaudés par cette mésaventure et par le temps pourri, nous décidons de quitter l’Argentine pour la Bolivie en espérant y trouver un temps plus clément. Nous décidons également de faire ce que nous ne faisons que très exceptionnellement, c’est dormir dans les stations-services jusqu’à la frontière pour avancer et par mesure de sécurité. Ce sera l’occasion de nouvelles rencontres : un couple argentin avec qui nous avons passé une matinée à discuter et un autre soir nous entendons frapper à la porte : nous ouvrons et nous rencontrons Marcel qui nous invite à passer chez lui lors de notre retour dans la région.

 

Ces rencontres nous font quitter l’Argentine un peu moins groggy.

 

La frontière


Nous avons choisi d’entrer en Bolivie par la frontière la plus à l’Est : Yacuiba. Cette frontière est peu utilisée par les voyageurs car elle passe à l’Est de l’Altiplano. Nous y arrivons à 16 h.

 

Ce passage vaut tout de même le détour. Du côté argentin des marchands du temple s’éparpillent dans un joyeux désordre. C’est la première frontière où l’on assiste à cela. Des rabatteurs se proposent de nous « aider » malgré tous les panneaux de mise en garde affichés.

 

Les formalités migratoires sont assez rapides mais là où cela se gâte, c’est avec la douane bolivienne qui observe nos papiers sous toutes les coutures et n’y comprennent rien. Le douanier nous demande l’assurance que je vais chercher car c’est la première fois qu’on nous la demande. Il nous dit que ce n’est pas bon car la Bolivie n’est pas inscrite noir sur blanc, blablabla. Je vais chercher les conditions générales ; puis j’envoie un mail à la compagnie d’assurance en désespoir de cause. Finalement, je reprends tous les papiers car je suis certaine que la Bolivie est inscrite dessus et je finis par trouver. Il pinaille, va voir une collègue et nous dit que c’est bon. Il lit tout attentivement et il faut lui décrypter la carte grise et le passeport.

 

Il entre dans le camping-car. Les enfants lui disent « Hola, Buenas tardes ». Surpris il leur répond, ouvre un placard et sort.

 

30 mai 2016. Il est 18H15. Nous entrons en Bolivie.

 

Au bout de 150 m on traverse le pont et on s’acquitte d’un péage de la ville de 5 bolivianos avec reçu.