La carretera austral : de Cochrane à Chaiten via Caleta Gonzalo.


( Du 9 février au 29 février 2016)

La carretera austral commence à Puerto Montt et se termine à Villa O’Higgins, 1240 km plus loin. Elle prolonge la panaméricaine sur le continent. Pour la parcourir dans son intégralité il faut emprunter 4 ferries. Cette route est le fruit de la volonté d’un homme : le Général Augusto Pinochet. L’objectif avoué était de relier entre elles toutes les régions du Chili.

 

Cette route est donc assez récente : elle date des années 80. Aujourd’hui encore, elle est partiellement  asphaltée et représente à elle seule un objet de voyage et de rêve. Elle est en travaux en permanence et par endroits cela reste pharaonique.

 

Nous l’avons parcourue du Sud au Nord de Cochrane à Caleta Gonzalo. Et même si cela peut paraître surprenant, les tronçons asphaltés ne sont pas ceux qui nous ont le plus enchantés.

 

Le mérite du ripio c’est qu’il oblige à une certaine lenteur permettant d’observer autour de soi.

 

Nous avons donc effectué une randonnée en camping-car sur cette route qui lorsqu’elle sera totalement asphaltée deviendra une route forestière comme une autre.

 

La majorité des voyageurs qui entrent au Chili par le Sud entre par Chile Chico et longe le lac qui s’appelle Buenos Aires côté argentin et Général Carrera côté chilien. C’est le 2ème plus grand lac d’Amérique du Sud, après le lac Titicaca. Une petite mer.

 

Nous avons décidé de traverser la frontière un peu plus bas, à la première entrée terrestre possible : le Paso Roballos. Cette entrée est très peu fréquentée et méconnue ; elle passe par la vallée Chacabucco qui est magnifique.

 

La route pour rejoindre Cochrane est spectaculaire et je l’ai mieux appréciée au retour qu’à l’aller. En effet, la route est étroite, le rio Baker 300 m plus bas sans garde-fou et les voitures que l’on croise, la plupart des 4*4 de location du continent, roulent assez vite selon ma perception et ne se serrent pas trop alors que nous sommes du côté de la falaise. J’ai fait les 15 km à l’arrière à l’aller.

 

Nous partons visiter le parc Tamango : les enfants réinvestissent leur connaissance en s’exerçant à des travaux d’étanchéité sur les table, bancs et poubelle du camping. Le temps ne nous permettra pas de parcourir toutes les balades que nous voulions mais on apercevra le Lago Cochrane.

 

Nous passons le weekend à Cochrane en compagnie de Marion et Daniel que nous avons retrouvés par hasard et profitons de la Fiesta Costumbrista avant de prendre la route en direction du Nord.

 

Sur le chemin un condor surgit devant nous à la hauteur du Pont du Rio Chacabuco, puis un carpintero traverse la route et se pose. Incroyable : nous n’imaginions pas voir un condor ici, aussi bas en altitude ; et, depuis la Terre de feu j’essaie de voir, en vain, un carpintero : nous l’avions souvent entendu mais jamais vu. Inutile de vous préciser que je n’ai pas eu le temps de faire de photos. Il faudra patienter.

 

Sur la route qui conduit à Puerto Rio Tranquilo, nous faisons une halte à la confluence du Rio Baker et du Rio Neff. C’est super cool pour expliquer aux enfants le sens du mot confluence. C’est mieux qu’un livre de géographie. L’un provient du Lago Bertrand et a une couleur turquoise, l’autre des eaux grises de la fonte des glaciers.

 

Les paysages sont magnifiques et notre moyenne kilométrique nous permet de les apprécier pleinement : tantôt on suit le Rio Baker et ses eaux tumultueuses, tantôt la forêt et, parfois, un glacier, que l’on appelle ici « ventisquero », se dévoile.

 

A Puerto Rio Tranquilo qui se trouve sur le Lago General Carrera, nous partirons en expédition vers la chapelle et la cathédrale de marbre en compagnie de Marion et Daniel. Cela faisait deux jours que nous attendions une fenêtre météo qui nous permettent d’envisager la navigation. Le vent et la pluie semblaient nous laisser un répit. Un rayon de soleil perçait lors de notre départ et, confiant, nous nous sommes engagés avec notre chauffeur sur cette petite mer aux eaux agitées. Les murs de marbre érodés par le lac ainsi que ces deux rochers modelés par les vents et l’eau nous ont ravis mais ce qui va nous laisser un souvenir impérissable c’est le voyage du retour avec de belles vagues : on est rentré transi, mouillé et vermoulu. Bon le jeu en valait la chandelle et maintenant que tout le monde est rétabli, cela reste un bon souvenir partagé.

 

Nous partons pour une nouvelle étape : le village de Villa Cerro Castillo. La route est en travaux et à 30 km de l’arrivée, elle « n’ouvre » qu’à 18heures. Elle était ouverte mais par tronçons et nous avons mis 1h30 pour faire les 30 km.

 

Nous partons visiter le site très abimé de la cueva de las manos côté chilien. Ce site est en train de disparaître car la falaise s’effrite et ne présente pas grand intérêt si ce n’est que j’ai poussé un coup de gueule contre la caissière du site qui voulait m’extorquer de l’argent. Le site reproduit l’ancienne école du village et son histoire et c’était finalement bien plus intéressant que le site rupestre.

 

Avec Philippe, nous nous amusons avec le cerro castillo qui peine à se départir de sa couverture nuageuse mais nous finirons par le voir au détour de quelques lacets.

 

Nous arrivons enfin à Cohaique, la capitale de la Carretera Austral : les campings sont pleins et toutes les rues sont payantes. Nous finirons par trouver une rue fermée pour cause de travaux dans laquelle nous nous engagerons et bivouaquerons. On est finalement très bien situé, près du centre-ville, du supermarché, d’une très bonne boucherie : Philippe demandera même à la bouchère, par gestes et en charabia, si elle peut charger nos ordinateurs. Nous trouvons un convertisseur de 400 watts qui nous dépannera en attendant. Plus question d’utiliser le micro-onde ni le mixeur ! Nous réservons le ferry pour la traversée vers l’île de Chiloé le 1er Mars. Il nous reste 10 jours pour parcourir le Nord de la Carretera et rejoindre Chaiten. Le temps est à la pluie et nous partons. Nous nous arrêterons à Villa Amengual où se déroule une fiesta costumbrista : leur spécialité est le rodéo.

 

le profil de l'indien à Cohaique
le profil de l'indien à Cohaique

Nous ferons un détour par Puerto Cisnes où nous passerons la nuit sous une pluie battante mais c’est de là que je vous ai envoyé mon dernier message car il y avait un bon wifi : on ne peut pas tout avoir. Le soleil brille à nouveau au réveil. La météo annonce un créneau de deux jours sans pluie. C’est juste le temps qu’il nous faut pour visiter le prochain parc : le parc Queulat. Ce parc est très humide et nous effectuerons les randonnées dans la boue compte-tenu des pluies qui se sont abattues sur la région ces derniers jours.

 

Puerto Cisnes : sa bibliothèque, son port, son église et son fleuve.

La dure vie des voyageurs.


Ange ou démon ? Cette plante est le Nalca et son fruit s'appelle le fruit du diable. Ici on le mange comme la rhubarbe.


Le parc Queulat est un parc national géré par la Conaf et je me présente naturellement  à l’entrée du sentier du « bosque encantado » avec mon pass. Le guichetier me dit que cela ne marche pas et que nous devons payer 9000 pesos. Je proteste mais rien n’y fait. Il me dit qu’il y a un accord entre la ville et la Conaf pour une concession et que je peux écrire sur le cahier des plaintes, ce que j’ai fait : même si cela ne sert à rien, cela soulage. Je sais qu’il y en a qui rie en lisant ces lignes mais que voulez-vous, on ne se refait pas. Je retourne au camping-car chercher l’argent et là il me fait payer 6000 pesos. Je ne sais pas pourquoi mais je n’ai pas demandé.

 

Le sentier est magnifique : nous avons vu des dizaines de colibris voleter tout autour de nous. J’ai enfin pu observer à loisir le carpintero. La vue sur le ventisquero est belle.

 

Ce site vaut le détour malgré la boue et un coup de gueule.

 

Pour rejoindre la deuxième entrée du parc, nous descendons la Cuesta Queulat et ses 3km de virage en épingles en slalomant entre les travaux, les vélos, les piétons et les voitures garées pour faire des photos. Tant et si bien que l’on rate la cascade du Padre Garcia. Ici la route alterne entre ripio autoroute et trous innommables.

 

Nous partons à la poursuite du Ventisquero colgante, autrement dit, le glacier suspendu. Trois chemins mènent à trois points de vue différents et complémentaires. Nous réaliserons les trois car le temps annoncé pour le lendemain est pourri. On les fera decrescendo pour ne pas miner le moral des troupes.

 

Nous bivouaquerons face au fjord à Puyuhuapi, village fondé par des colons allemands où nous visiterons une fabrique artisanale de tapis : depuis Hadrien veut devenir marchand de tapis ! On a aussi goûté la bière mais il ne veut pas devenir brasseur !

 

Nous prenons la direction de la Junta qui rend toujours hommage à l’inventeur de la route.

 

Puis nous partons pour notre prochain bivouac : on sait que la journée sera difficile car il nous reste 120 km dont 100 de ripio à éviter par temps de pluie. Pas de chance, il pleut.

 

Et comme souvent, rien n’est prévisible. Au bout de 5 km, on découvre 12 km de goudron tout neuf, une vraie autoroute sans tout ce qui fait une autoroute. Puis ripio pourri : nids de poule pleins d’eau, tôle ondulée, pierres, travaux. Puis asphalte jusqu’à Villa Santa Lucia. Puis ripio pourri sur 33km sous une pluie battante en montée et en travaux. Tout à coup, face à nous on voit arriver un camping-car identique au nôtre. On s’arrête à la sud-américaine : au milieu de la route, warning et on se salue. On décide de faire plus ample connaissance. Le camping-car jumeau se pose derrière nous et tous warning allumés, on fait une pause-café bien méritée. Après cette pause salutaire, chacun poursuit sa route. Arrivés à Chaiten on se gare à côté des carabineros : on profite du wifi et de l’eau. On leur fait cadeau de notre micro-onde et on gagne un placard supplémentaire.

 

Il nous reste 3 jours avant de prendre le ferry. Nous décidons d’aller jusqu’au bout terrestre de la route, à Caleta Gonzalo et de redescendre en réalisant quelques randonnées dans le parc Pumalin. On s’arrête à la boutique du parc pour acheter du miel car on n'en a plus depuis l’Argentine car cela fait partie des produits interdits au passage de frontière.

 

Nous partons faire une courte randonnée à la rencontre des Alerces, arbre endémique et emblématique de cette région, qui ont failli disparaître.

 

Puis nous doublons Jeff, un cycliste français, pour la 2ème fois : on s’arrête, on discute. Rendez-vous est donné 2 km plus loin sur un bivouac repéré à l’aller.  Belle soirée autour d’un apéro dînatoire improvisé.

 

Aujourd’hui nous partons à la recherche des cascades cachées, cascadas escondidas, puis retournons bivouaquer au même endroit. 

Notre dernière journée sur la carretera australe sera consacrée à l’ascension du volcan Chaiten : 2,2 km pour un dénivelé de 600m. Temps estimé : 2h. Temps réalisé : 2h. On devient bon et comme dirait Hadrien : « Pour avoir un point de vue, il faut monter. »

 

Demain, nous quittons le continent pour l'île de Chiloé.